Coronavirus : Des centaines de morts causés par le vaccin de Pfizer ? C'est faux !
FAKE OFF•Sur les réseaux sociaux, un tableau, reprenant certaines informations d’une base de données européenne, amène des internautes à conclure que le vaccin anti-Covid de Pfizer a causé des décès. « Une mauvaise interprétation », pointe l’Agence européenne des médicamentsEmilie Jehanno
L'essentiel
- A partir de données de la base européenne EudraVigilance, qui compile les rapports d’effets indésirables susceptibles d’être liés aux médicaments, des internautes déduisent que le vaccin de Pfizer et BioNTech a causé des décès, voire est plus dangereux que le Covid-19.
- L’Agence européenne des médicaments (EMA) réfute ces conclusions et indique à 20 Minutes que certaines données « sont incorrectes et entraînent une mauvaise interprétation des données ».
- Dans son rapport de pharmacovigilance sur ce vaccin publié fin janvier, l’EMA estime que ses bénéfices « continuent de l’emporter sur les risques ».
Le vaccin de Pfizer et BioNTech contre le coronavirus aurait-il causé des centaines de morts ? C’est la conclusion que tirent des internautes à partir d’un tableau circulant sur les réseaux sociaux. « Uniquement pour le vaccin Pfizer au 30 janvier 2021 nous en sommes à 739 morts soit 2,8 % des 26.849 effets secondaires signalés », s’indigne sur Twitter un homme qui se présente comme médecin dans sa description.
Une deuxième slide présente des données issues de la base EudraVigilance, qui rassemble les rapports d’effets indésirables susceptibles d’être liés aux médicaments et est pilotée par l’Agence européenne des médicaments (EMA). Des graphiques compilent, notamment, le nombre de décès enregistrés chez les patients vaccinés selon les causes (troubles cardiaques, infections, troubles du système immunitaire).
Dans un post sur Facebook, ce même tableau est repris : « Vaccin Pfizer niveau européen. Pour le mois de janvier 2021 […]. 739 décès. Soit 2,8 %. » L’internaute conclut : « Le coronavirus tue moins que ça. »
FAKE OFF
Les données actuelles ne permettent pas d’établir un lien de cause à effet entre le vaccin Pfizer-BioNTech et les décès enregistrés après la vaccination, indiquent l’Agence européenne des médicaments (EMA) et une professeure d’épidémiologie, contactées par 20 Minutes. Ces données recensent l’ensemble des « réactions » enregistrées après l’administration du vaccin, afin d'assurer la pharmacovigilance sur ce médicament.
Le tableau partagé sur les réseaux sociaux semble bien emprunter des informations de la base EudraVigilance (nombre de cas individuels pour une réaction donnée). Si les chiffres du 30 janvier ne sont plus en ligne, les données sont cohérentes avec la mise à jour intervenue le 6 février. Interrogée par 20 Minutes, l’Agence européenne des médicaments réfute cependant les conclusions tirées par les internautes : « Le nombre total de décès et le nombre total des cas pour la conséquence des réactions [hospitalisation ou non, mort] sont incorrects et entraînent une mauvaise interprétation des données. »
En particulier, l’EMA précise qu’une personne décédée peut-être comptabilisée deux fois dans ses bases de données si elle a connu plusieurs réactions. Par exemple, un patient qui a vomi et qui a eu des maux de tête sera comptabilisé dans le groupe de réaction « troubles gastro-intestinaux » et « troubles du système nerveux ». Pour mieux déchiffrer la base, l’Agence conseille de se reporter à sa section « Consulter un rapport électronique ».
Les bénéfices l’emportent sur les risques
Surtout, l’EMA souligne auprès de 20 Minutes que les chiffres de la colonne décès («fatal ») « ne signifient pas nécessairement que les événements signalés ont été causés par le vaccin ». Dans un communiqué publié le 29 janvier, l’Agence européenne du médicament soulignait d’ailleurs, après mise à jour du rapport de pharmacovigilance, « qu’aucun problème d’innocuité particulière a été identifié chez les personnes âgées fragiles qui ont été vaccinées ». « Les bénéfices du Comirnaty [nom sous lequel le vaccin Pfizer-BioNTech est commercialisé] continuent de l’emporter sur les risques dans la prévention du Covid-19 », ajoute-t-elle.
Par ailleurs, le raisonnement de départ était-il pertinent ? « L’auteur confond événement survenu par co-incidence, à la suite de la vaccination, et effet néfaste de la vaccination », pointe Judith Mueller, professeure d’épidémiologie à l’Ecole des hautes études en santé publique et rattachée à l’unité de l’épidémiologie des maladies émergentes de l’Institut Pasteur. « Confirmer qu’un événement est réellement causé par la vaccination implique de disposer du risque de décès habituel dans la population (âge, comorbidités) ciblée par la vaccination et de démontrer que le risque de décès après vaccination est supérieur, détaille-t-elle. En absence de ces données – et l’auteur ne les présente pas – on ne peut rien affirmer. »
« Aucun effet indésirable fatal n’a été confirmé »
Elle ajoute : « Actuellement, mis à part les réactions allergiques, aucun effet indésirable potentiellement fatal n’a été confirmé pour les vaccins anti-Covid-19 y compris Pfizer. » La professeure estime qu’il faut cependant rester « prudent » car, chez les personnes âgées très fragiles, « une fièvre provoquée par la vaccination pourrait avoir des conséquences graves ».
Dernier point, soulevé à la fois par l’Agence européenne des médicaments et Judith Mueller : il ne faut pas oublier que les personnes âgées de plus de 75 ans sont les groupes ciblés par la vaccination en Europe actuellement. « Il est donc probable que la plupart des signalements portent sur cette population », estime la professeure d’épidémiologie. Or, « environ 12.000 personnes meurent chaque jour en Europe, dont 83 % sont âgées de plus de 65 ans, rapporte l’EMA. Le fait que quelqu’un meure après avoir reçu le vaccin ne signifie pas que cette mort soit liée au vaccin. Les autorités de l’Union européenne examinent attentivement tous les rapports pour déterminer s’il existe un lien possible avec le vaccin. »